Restons encore dans le comté de Gnywedd pour découvrir un des plus beaux réseaux à voie étroite, le Welsh Highland Railway.
De Porthmadog à Caernarfon ou devrais-je dire de Caernarfon à Porthmadog car la nouvelle histoire du WHR a commencé à Caernarfon, des locomotives Beyer-Garratt tractent une dizaine de voitures voyageurs sur près 25 miles (environ 40 kilomètres). Il vous faudra près de 5 heures pour faire l’aller-retour entre ces 2 villes. Et rien ne vous empêche une fois à Porthmadog de prendre le Ffestiniog Railway!!!

Le Welsh Highland Railway, tel que vous pouvez le découvrir aujourd’hui (voir plan ci-dessous), a été totalement reconstruit et n’a jamais existé en tant que tel. Mais revenons quelque peu en arrière pour mieux comprendre cette grande aventure.

Il n’y avait pas un mais plusieurs réseaux à différents écartements de voie. Ces lignes de chemin de fer furent construites pour permettre l’expédition par bateau des ardoises extraites dans les nombreuses exploitations du secteur (À la fin du XIXe siècle, la production atteignait un demi-million de tonnes).

Une voie de 3 pieds et 6 pouces (1067 mm) fut construite en 1828 entre Caernarfon et Dinas (Nantle Tramway). Cette ligne fut mise à l’écartement standard en 1862 et intégrée à la ligne de chemin de fer reliant Bangor à Afon Wen (Carnarvonshire Railway). Exploitée par le LNWR puis par le LMS (London, Midland and Scottish Railway), cette ligne de chemin de fer ferma en 1964. Une autre ligne de chemin de fer à voie normale fut aussi construite entre Caernarfon et Llanberis, Llanberis étant situé à proximité du site de Dinorwic Quarry, une des plus grandes exploitations d’ardoise au monde. Ce site a été fermé en 1969 et a été depuis transformé en musée (Cf. National Slate Museum). A Caernarfon, le tunnel ferroviaire, situé à proximité de la gare actuelle du WHR, est aujourd’hui utilisé par les véhicules routiers.

Quant aux autres réseaux construits, différents écartements de voie furent utilisés :
– de Porthmadog à Croesor Valley en voie de 2 pieds (610 mm) dès 1863
– de Dinas à Bryngwyn en voie de 1 pied et 11,5 pouces (597 mm) avec une branche depuis Tryfan Junction vers Snowdon Ranger dès 1877. Ce dernier réseau fut prolongé jusqu’à Rhyd Ddu en 1881.

Le Welsh Highland Railway naquit en 1922 de la fusion du North Wales Narrow Gauge Railways et du Porthmadog, Beddgelert and South Snowdon Railway.

Le chainon manquant entre Rhyd Ddu et Croesor Junction fut ouvert en 1923 après avoir réadapté toute la ligne à un seul écartement, celui de 1 pied et 11,5 pouces (597 mm).

En 1934, le Ffestiniog Railway obtint l’exploitation du WHR pour 42 années.

Ce réseau à voie étroite ainsi formé avait un point faible : côté Nord, la ligne n’est jamais allée jusqu’à Caernarfon (le port d’où était expédié les ardoises produites non loin de Bryngwyn) ce qui obligeait le transbordement des marchandises sur le réseau à voie normale à Dinas, le point de jonction des 2 lignes comme vous le voir à gauche sur cette photographie (cliquez sur la photographie pour l’obtenir en  grand format) de la gare de Dinas en 1909 (cliché Railway Photo World, collection FJF).

C’est certainement ce détail qui entraîna le WHR à la faillite et ce malgré le renfort du colonel H. F. Stephens (Cf. Kent & East Sussex Railway), le spécialiste des chemins de fer secondaires de Grande-Bretagne.

La ligne fut démantelée dans les années 1940 et certains éléments furent sauvegardés comme par exemple, Russel, une locomotive à vapeur construit en 1906 par Hunslet Engine Company.

Pour en savoir plus sur le WHR historique, je vous conseille la lecture du livre de Charles E. Lee, The Welsh Highland Railway, dont la première édition a été publiée en 1962. Ce livre est encore aujourd’hui disponible à la vente (occasion) sur le Net.

Le projet de reconstruction commença en 1989. Étape par étape, la ligne fut construite en utilisant dans la majorité des cas la plate-forme existante des différentes lignes.

Les premières circulations eurent lieu en 1997 entre Caernarfon et Dinas, la ligne utilisant l’ancienne plate-forme de la ligne à voie normale. Des ponts furent reconstruits, des remblais ont été repris sur plusieurs mètres, des courbes ont été rectifiées, … À noter que le Welsh Highland Railway racheta des rails de 30kg (60lb/yard) au chantier du Tunnel sous la Manche.
Il était prévu que les trains puissent rouler à 25 miles par heure (soit près de 40 km/h) afin de permettre de réaliser le trajet complet en 1 heure et 30 minutes. Le temps de parcours a quelque peu augmenté depuis mais cela pour le plus grand bonheur des voyageurs!!!

Le WHR a établi son dépôt de locomotives à Dinas, l’ancienne gare terminus de la ligne à voie étroite des années 1920.

En 2003, la ligne était construite jusqu’à Rhyd Ddu et la construction de la dernière portion commença dès 2004. Cette dernière portion, jusqu’à Porthmadog, comprend un appareil de voie unique au Royaume-Uni : un croisement à double écartement.
La ligne du WHR croise à Cae Pawb, non loin de son terminus de Porthmadog, une ligne à voie normale des chemins de fer britanniques, toujours en exploitation à ce jour (Aberystwyth and Welsh Coast Railway). La signalisation des 2 réseaux s’appuie sur le circuit de voie pour assurer la sécurité des circulations. Afin d’éviter toute interaction entre les 2 systèmes, ce croisement est isolé électriquement ce qui de fait a nécessité des dispositifs complémentaires. Mais rien n’arrête le Welsh Highland Railway!!!

Depuis 2009, le WHR est de nouveau interconnecté avec le Ffestiniog Railway pour le plus grand bonheur de tous les passionnés de voie étroite.

Ce projet titanesque aura coûté plus d’un million de livre sterling par mile (1,609 kilomètres). Rien n’est donc impossible!!! En 2014, le plan des voies de la gare de Porthmadog a été considérablement modifié, un projet de 1,25 millions de livre sterling qui a permis de faciliter les manœuvres en gare et ainsi de mieux gérer le trafic en pleine expansion.

Prochaine étape, la construction d’une gare à Caernarfon équipée de toutes les commodités (magasin, café et restaurant,…) sans parler de l’aménagement du dépôt situé à Boston Lodge qui ne peut pas accueillir aujourd’hui les locomotives à vapeur utilisées par le WHR. Et on parlerait même d’une extension de la ligne de Caernarfon vers Bangor. Affaire à suivre…

Côté traction, le WHR utilise des locomotives à vapeur articulées dont la K1, la première des Beyer-Garratt.

Elle fut construite par l’entreprise Beyer Peacock de Manchester en 1909 suite à un appel d’offres du gouvernement de Tasmanie pour le North East Dundas Tramway (cliquez sur le plan pour l’obtenir en  grand format). Si vous souhaitez en savoir plus sur la K1, un livre est disponible aux éditions Camden Miniatures Steam Services.

Cette architecture, permettant une répartition de l’effort sur un grand nombre d’essieux tout en autorisant l’inscription en courbe de trains lourds sur des voies étroites et sinueuses, fut inventé par Hebert William Garratt, un ingénieur britannique, en 1907.

Le réseau dispose aussi de matériels roulants provenant du SAR (South African Railways) dont cinq locomotives à vapeur Garratt série NG G16. La longueur de cette locomotive à vapeur pour voie étroite est de près de 15 mètres. Un gigantisme à l’échelle de ce réseau!!!

Liste des locomotives à vapeur Garratt série NG G16 :

Construit par En
87 Cockerill, Seraing, Belgique 1937
109 Beyer Peacock, Manchester, Royaume-Uni 1939
138 Beyer Peacock, Manchester, Royaume-Uni 1958
140 Beyer Peacock, Manchester, Royaume-Uni 1958
143 Beyer Peacock, Manchester, Royaume-Uni 1958

La locomotive à vapeur Garratt NG G16 n° 140 n’est plus en état de fonctionner. Certaines de ses pièces ont servies pour remettre en état les autres locomotives à vapeur. Mais rien ne dit qu’elle ne sera pas remise en état un jour car au WHR, rien n’est impossible!!!

A noter que l’artisan Backwoods Miniatures propose une version en kit de ces engins à l’échelle HO et Zéro.

Les rames (de 10 à 15 voitures composent chaque rames ce qui imposent des voies d’évitement de plus de 250 mètres de long) parcourant cette ligne de chemin de fer à voie étroite disposent de tout le confort à bord, d’une voiture panoramique (réservée aux personnes munies d’un billet de 1ère classe) à un mini bar ambulant sans parler des toilettes, indispensable pour un trajet de près de 2 heures 30.

Côté signalisation, le réseau du Welsh Highland Railway a mis en place les mêmes dispositions que sur le Ffestiniog Railway. Le parcours est divisé en 6 sections, section protégée par un dispositif de bâton pilote électrique. Seul le train en possession du bâton pilote peut entrer sur la zone à voie unique correspondante. Des équipements connectés entre eux  à chaque extrémité, permettent de bloquer ou de libérer la section concernée. De plus, des signaux permettent de protéger les différentes gares en cas d’occupation des voies même si le canton précédent a été libéré.

Je ne peux pas ne pas parler des bénévoles, sans qui ce rêve n’aurait pu devenir réalité. De la pose des voies à la vente de souvenirs en passant par le contrôle des billets dans les trains, les bénévoles permettent à ce réseau, et à tant d’autres, d’exister et de maintenir un patrimoine inestimable pour les générations actuelles et à venir.

Avant de conclure, revenons sur l’écartement des voies : 2 ft gauge (610 mm), voie de 60?
Comme indiqué plus tôt, l’écartement des voies du réseau du Ffestiniog & Welsh Highland Railway est de 597 mm (1 pied et 11,5 pouces). Toutefois, l’écartement est plus important dans les courbes. Le Royaume-Uni n’a pas standardisé l’écartement des voies des chemins de fer à voie étroite (The Royal Commission on Railway Gauges). Cela explique qu’il est possible de trouver différents écartements de voies, de 597 mm à 1067 mm. Mais fort heureusement, quelques ajustements et les tolérances permettent de faire rouler du matériel roulant initialement prévu pour de la voie de 610 mm (2 ft gauge) sur de la voie de 597 mm.

Vous pouvez retrouver d’autres informations sur le site officiel du Ffestiniog & Welsh Highland Railway

Si vous souhaitez en savoir plus sur la reconstruction de cette ligne, je vous conseille la lecture du livre de Gordon Rushton, Welsh Highland Railway Renaissance aux éditions Adlestrop Press.

Et si vous avez la chance d’avoir un temps clément et un horizon très dégagé non loin de Rhyd Ddu en direction de Caernarfon, voici le panorama (merci Joseph!!!) que vous pourrez découvrir, le mont Snowdon (cliquez sur le panorama pour l’obtenir en grand format).

Le mont Snowdon, montagne qui culmine à 1085 mètres, est desservi par le Snowdon Moutain Railway au départ de Llanberis.

Bibliographie :
– Welsh Highland Railway Renaissance, Gordon Rushton, Adlestrop Press, ISBN 978-0957145603, 2012
– Narrow Gauge Railways in North Wales, Charles E. Lee, The Railway Publishing Co. Ltd, 1945
– The Colonel Stephen’s Railway, John Scott Morgan, Ian Allan Publishing, ISBN 978-0711026285, 1999

Retrouvez ci-dessous quelques photographies prises le long de cette ligne de chemin de fer à voie étroite (cliquez sur les photographies pour les obtenir en  grand format).

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